A lire précédemment : Le cahier Partie I et Partie II
Il écrivait toujours par petit bout. J’entends par là qu’il remplissait rarement une page entière de son cahier. Mais il aimait agrémenter ses textes de gribouillis, de photos, de noms de films, de chanteurs, de musiques. Bref, tout ce qui pouvait l’inspirer sur le moment. Ce qui était troublant pour moi quand j’ai ouvert ce cahier la première fois, et même encore parfois aujourd’hui, c’était qu’il y racontait comment il allait faire pour le tuer. Tout semblait avoir été pensé. La date, le lieu, le mobile, la procédure. Comment il allait se débarrasser du corps.
Tout ça lui était venu à l’esprit lorsqu’il avait failli se faire agresser. Un soir, alors qu’il rentrait chez lui, en prenant un raccourci qui le fit passer dans une ruelle, il vit un homme au moins aussi grand que lui, debout, au milieu devant lui. Son corps semblait musclé et tendu. Il pressa le pas, et alors qu’il passa à coté de l’homme, il le bouscula par mégarde. Survint un flash qui l’ébloui quelques instants. Quand ses pupilles commencèrent à se réhabituer à la noirceur de la nuit, il cru apercevoir un pistolet automatique, gros, noir, comme dans les films, entre les doigts de la main gauche de son agresseur. Il se mit alors à courir, trébucha, perdit ses lunettes, sorti de la ruelle et se réfugia dans le premier endroit qu’il trouva. Un kebab. Il se sentit regarder de toute part par les cuisiniers et les quelques clients qui étaient là, silencieux, hagards.
Après avoir repris ses esprits, il rentra chez lui, pris un nouveau cahier dans un tiroir de son bureau, un vieux bureau de maitre d’école récupéré dans une brocante, noircit la première page puis le lendemain écrivit son aventure de la veille sur la deuxième. Chaque jour ainsi, et pendant 14 jours durant, il écrira petit à petit sur ce cahier.
Et c’est ainsi qu’il s’y prendrait.
Plus loin dans le cahier, il avait écrit ceci : « Un soir, un vendredi, c’est le jour de la semaine où il rejoint ses amis pour prendre un verre, alors qu’il rentrerait chez lui, je le suivrais. Il y a une petite rue juste avant d’arriver chez lui. Je le sais, je le connais, je l’ai épié depuis des jours, des semaines, des mois. C’est presque comme si je le connaissais depuis toujours. C’est dans cette rue que je passerais à l’acte. J’aurais prit soin de charger mon flingue et de l’avoir à porter de main, pour agir vite. Il faut agir vite. J’ai assez regardé de séries policières pour le savoir. Et bien là, dans la nuit, dans cette petite rue toujours déserte, quand je me serais assez rapprocher de lui, ni trop près, ni trop loin, j’appuierais sur la gâchette. PAN ! PAN ! PAN ! »